Mais de quoi ça parle ?

Et comme ça m'a plu, je vous le fais partager.
Alors inutile de chercher ici le dernier film à la mode, le dernier clip de musique tarazimboumante ou le dernier épisode de la série qui cartonne. Ici, je vais vous faire partager quelque chose qui m'a plu, que ce soit hier soir ou il y a 15 ans. Un film, un livre, un poème, un spectacle, une BD, une chanson, une recette de cuisine ou un site web : au grès de mes envies, de mes humeurs et de mes fantaisies. Et si je vous le fais partager, c'est pour que vous me disiez si, vous aussi, ça vous a plu ! Alors n'hésitez pas, vos critiques et vos avis seront les bienvenus.

vendredi 24 juin 2011

Cat-Moka


Un saxophone, une batterie, un violoncelle, un piano, une chanteuse. Trois hommes, deux femmes. Mais attention ! Malgré leur supériorité numérique, ça n’est pas la force masculine qui domine, ici, mais bien les heureuses représentantes de la gente féminine. Nathalie au chant, mais aussi aux paroles, et Alma au piano et à la composition, m’ont offert, il y a maintenant presque deux semaines, un spectacle de jazz intimiste et feutré qui m’a fait passer un très bon moment.



Cela va faire maintenant dix ans que j’ai abandonné le théâtre. C’est pourquoi j’ai été plus que ravi quand certains de mes anciens condisciples ont repris contact avec moi par le biais d’un site internet bien connu. Je me suis perdu dans un élan nostalgique en suivant les carrières de mes différents amis de l’époque, et, coïncidence, je m’aperçus que l’une d’entre elle donnait justement un spectacle à Paris le week end où je m’y trouvais. Loin de l’art théâtral où je l’avais laissé, c’est un concert de jazz auquel elle participait. Intrigué, je suis tout de suite allé prendre quelques renseignements sur la toile, où je trouvais quelques extraits du spectacle. Etant déjà féru de jazz (je suis allé assister à un concert d’Harry Connick Junior le jour de mon mariage), j’ai été tout de suite séduit par la musique d’Alma et Nathalie, et c’est avec empressement que je réservais mon billet pour découvrir Cat-Moka.

Il faut reconnaître que la salle était petite, et plus adaptée à une représentation théâtrale que musicale, mais les sièges étaient confortables, et la proximité de la scène venait encore renforcer l’atmosphère intimiste. Les artistes vinrent s’installer sur scène et le spectacle commença. Après un début que je sentis un peu crispé, l’atmosphère se détendit très vite et la musique, largement dominée par le piano d’Alma, m’emporta dans un univers doux et presque lascif. Au fil des chansons, j’eu l’impression d’un univers qui se mettait en place : une plage bercée par le vent, où venait s’écraser des vagues qu’évoquaient les rythmes lancinants du piano. Là-dessus, Nathalie venait insérer son personnage, la voix trainante, sur des paroles qui, comme la musique, évoquaient un décor et une ambiance, une humeur aux accents de rêverie incitant à la paresse. Ce que j’ai particulièrement aimé, c’est que Nathalie n’a pas pu s’empêcher de poser quelques éléments de mises en scènes, introduisant chaque chanson par quelques mots relayées parfois par Alma pour poser une atmosphère particulière. De plus, des images projetées sur le rideau de fond, très simples, venaient ajouter une touche visuelle à un spectacle somme toute basée sur la musique. Des dessins, des mots, quelques gestes de main, juste ce qu’il fallait pour poser les yeux et souligner la musique.

Alors moi, ça m’a plu. En dehors de toute considération de connaissance, j’ai vraiment apprécié le travail fabuleux de ce jeune groupe. Le travail sur les paroles comme la musique est ciselé d’une manière étonnante, et même si l’acoustique de la salle était loin d’être idéale, noyant les paroles dans les frappes de la batterie, j’ai adhéré pleinement tout le long du spectacle, et, fait absolument rarissime pour moi, je n’ai pas regardé une seule minute l’heure qu’il pouvait être. Quand le spectacle a été terminé, j’ai eu l’impression d’avoir encore faim de cette musique, qu’elle avait éveillée une envie en moi qu’elle n’avait pas assouvie. Evidemment, je suis encore plus qu’élogieux, mais c’est le principe : ici, je ne parle que des choses qui m’ont plu. Si j’avais à faire un reproche à Cat-Moka (hormis le saxophoniste qui ne m’a pas convaincu : je sais, c’est vache, mais il fallait que je le dise), c’est la trop courte durée du spectacle ! J’espère que la prochaine fois (car je suis persuadé qu’il y en aura une), ces deux perles de la musique m’emmèneront jusqu’au bout de la nuit.
Un dernier coup de chapeau aussi au contrebassiste ! En effet, celui-ci, fier gaillard basané au crâne chauve et à la chemise largement ouverte, remplaçait au pied levé le musicien habituel. Il s'en est plus que bien tiré !

Et pour une découverte de leur musique, voici le lien vers une vidéo issue de leur page Myspace qui, justement, montre ma chanson préférée : Secret. On peut trouver deux autre titres (audio uniquement) par le biais de ce lien.


mardi 14 juin 2011

La Buveuse, ou Gueule de Bois


Pendant l’été 2010, je suis allé visiter Albi, la cité de briques rouges, avec son impressionnante cathédrale et son musée consacré à l’artiste Henri de Toulouse-Lautrec. C’est dans ce musée que je découvrais, au milieu des grandes affiches où étaient représentés les personnages tonitruants des meilleurs cabarets (ou maisons closes) parisiens, un petit morceau de carton ondulé sur lequel on pouvait voir, dessiné à l’encre de chine et ce qui semble être du crayon de couleur bleu, une femme accoudée à une table, un verre et une bouteille à demi pleins posés devant elle. Le titre indiquait « la Buveuse ou Gueule de bois ».



Je ne sais pas ce qui m’a frappé dans ce qui n’était (je ne l’appris que bien plus tard) que le croquis préparatoire pour un tableau plus abouti qui n’était pas présent dans le musée. Toujours est-il qu’il tranchait singulièrement avec les tableaux alentours. Là où les grandes affiches figuraient des visages aux caractéristiques exagérées, presque caricaturaux, et toujours pris dans l’action, je trouvais dans ce tableau un calme presque douloureux, et un visage étonnamment détaillé et réaliste, à l’expression vive dans son hébétement alcoolisé. C’est d’ailleurs ce qui m’a plu le plus dans ce croquis : Le décor, les vêtements, le verre et la bouteille sont tracés avec de larges traits d’encre qui en évoquent les contours plus qu’ils ne les détaillent. Le visage, en revanche est quant à lui constitué d’une multitude de petits traits de pinceaux qui en cisèlent l’expression pour la rendre vivante. J’ai découvert beaucoup plus tard la version terminée du tableau. Curieusement, il m’a beaucoup moins plu. Je trouve que la multitude de traits de couleur noie un peu le personnage, et les détails si précis du croquis sont noyés par les traits définitifs du tableau final. Bien sur, le tableau en couleur est plus « réaliste », mais je le trouve beaucoup moins expressif.



Le tableau est censé représenter Suzanne Valadon, une femme qui exerça le métier de modèle pour peintres avant de copier les techniques qu’elle observait durant les séances de pose et de devenir peintre elle-même. On peut d’ailleurs voir dans son vêtement les grandes chemises que portaient les peintres de cette époque, et sa coiffure ramenée sur la nuque sans doute pour ne pas gêner son travail. Du coup, on peut imaginer toute une histoire qui aboutit à cette scène, et c’est justement l’absence de mouvement dans le tableau qui permet cet aiguillon de l’imagination. J’imagine souvent une séance de peinture effrénée où les deux peintres ont passés une nuit entière à travailler de concert sur leur chevalet. Ce n’est qu’au matin que, leur œuvre terminée, les deux artistes voient tomber sur leurs épaules le poids de l’épuisement d’un travail aussi frénétique. Trop excités encore pour dormir, ils décident d’aller reprendre quelques forces dans un café qui vient à peine d’ouvrir. Là, ils commandent une bouteille de vin qui prend très vite un coup dans l’aile. Au fil de la conversation, les esprits fatiguent, le regard se fait vitreux et la peintre se perd dans une réflexion où se mêlent les considérations triviales, les inquiétudes d’artiste, les brumes du sommeil et une migraine naissante. Le peintre décide alors de coucher sur le papier cet instant fugace, prélude à une prochaine œuvre.

Je ne suis pas un grand expert en peinture, et dans ce domaine, je me laisse surtout guider par mes émotions. Je serais bien incapable d’analyser les techniques utilisées, de replacer l’artiste dans son époque ou d’en faire une docte interprétation, alors je me suis contenté de parler de mes sentiments envers ce tableau qui m’a tellement plu que j’en ai acheté une reproduction en poster à la sortie du musée (le croquis, pas le tableau final), et elle trône maintenant dans l’entrée de mon bureau dans un beau cadre.

vendredi 10 juin 2011

The Dresden Files

« Magic. It can get a guy killed »

Harry Dresden est un magicien. C’est d’ailleurs ce qui est écrit sur la porte vitrée de son bureau : “Harry Dresden – Magicien”. Il est sans doute le seul à exercer cette profession, du moins ouvertement. Harry n’est pas un illusionniste ou un escamoteur : c’est un vrai magicien, avec une baguette, lançant des sorts et fabriquant des objets magiques, et un magicien moderne qui plus est ! Il garde ses composants de sorts dans des tupperwares, trace ses pentacles avec des markers permanents, et s’assure la loyauté de lutins avec des offrandes de pizzas. C’est pourquoi, quand la police de Chicago est confrontée à un cas qui dépasse leur entendement, elle fait appel à lui. La plupart des gens (ainsi que la plupart des policiers qui l’emploient) prennent Harry pour un charlatan, un illuminé ou un escroc, mais pour affronter le monde surnaturel, il n’y a pas meilleur que lui.



En 2007, je suis tombé sur une nouvelle série télévisée de la télévision américaine, narrant les aventures d’un détective magicien, dans la lignée des séries surnaturelles contemporaines comme Buffy ou Charmed. Malgrè un scénario somme toute assez banal, je tombais néanmoins sous le charme de ce grand gaillard dépenaillé et je le voyais partir avec regret au bout de seulement 13 épisodes. Quelques mois plus tard, lors d’un passage chez W.H. Smith, la célèbre librairie anglophone, je découvris avec surprise que la série télévisée avait été inspirée d’une série de romans d’un auteur américain qui m’était totalement inconnu : Jim Butcher. Je décidais donc d’acquérir les deux premiers volumes pour voir un peu si les romans étaient un peu plus fouillés que la série. Et bien m’en a pris ! Si la série avait réussie à bien retranscrire le personnage, l’univers dans lequel il évolue a été complètement édulcoré et la trame générale totalement ignorée. 

Les Dresden Files racontent donc les aventures de Harry Dresden au fil de ses enquêtes qui l’emmènent à chaque fois explorer une facette différente du monde magique moderne. C’est une combinaison plutôt réussie entre le roman noir et le roman fantastique, le policier et le surnaturel. Harry, le personnage principal, est un magicien iconoclaste, denigré par ses pairs parce qu’il a été élevé par un adepte de la magie noire. Il est le narrateur de l’histoire, ce qui nous permet d’apprécier ses références dignes du meilleur des geeks. Râleur, opiniâtre et pas subtil pour deux sous, il mène ses enquêtes avec sa gouaille ravageuse, son inventivité hors norme et sa tendance maladive à mettre les pieds dans le plat. Il vit seul dans son petit appartement en sous-sol au confort spartiate, toujours à la recherche des quelques dollars pour payer son loyer et mettre de l’essence dans sa vieille coccinelle plus retapée que le visage de Cher. Il faut dire que ce n’est pas facile de vivre dans le confort quand votre simple présence auprès d’un appareil électrique plus compliqué qu’un grille-pain suffit à le rendre inutilisable.

L’univers de Harry est à la fois très « classique » et très original. Jim Butcher y place tous les poncifs du genre, en les remaniant à sa manière inédite et particulière. On y croise des vampires, des loups garous, des fées, des démons et des nécromanciens, mais ils n’ont rien à voir avec les créatures classiques que l’on a pu voir et revoir ces dernières années. Par exemple les fées, créatures qui évoquent plutôt des êtres bienveillants, sont les entités les plus redoutables de l’univers de Harry. Vivant dans un monde « parallèle » qui permet aux magiciens de se déplacer sur de grandes distances, elles se révèlent d’une cruauté, d’une puissance et d’une perversion sans borne. Harry a d’ailleurs une marraine fée qui le terrifie au plus haut point, et il n’emprunte les chemins du Nevernever que sporadiquement, car elle rêve de le transformer en chien pour l’attacher à son attelage. Les vampires, quant à eux, sont divisés en trois races (ou clans) bien distincts : Le clan Rouge, qui sont les vampires les plus classiques. Buveurs de sang, ils sont en fait des créatures au corps répugnant et démoniaque et qui peuvent prendre apparence humaine. Le clan Noir, les moins nombreux, ont l’apparence de corps décharnés. Ils se nourrissent eux aussi de sang et sont de redoutables magiciens. Le clan Blanc, quant à lui, se nourrit d’énergie vitale, généralement par le sexe, mais un simple baiser peut suffire s’ils ont vraiment faim. Au fil des volumes, ont voit se développer en toile de fond une trame générale où une guerre oppose les magiciens du Conseil Blanc au clan des vampires rouges, orchestrée dans l’ombre par une organisation dont Harry est le seul à être convaincu de l’existence. Au milieu de tout cela, Harry enquête, court, se démène comme un beau diable, se fait beaucoup d’amis, se fait encore plus d’ennemis, et finit généralement chaque volume plus perclus de bandages que John McLane à la fin d’un Die Hard. Il est intéressant de noter aussi que chaque volume contient une histoire complète, et situe l’action dans un intervalle allant de huit à douze mois du précédent, ce qui fait qu’on peut voir Harry et l’univers évoluer sur une période de temps relativement longue (à l’heure actuelle, la série compte douze volumes, les treizième étant prévu pour juillet. Seulement cinq sont traduits en français, malheureusement).

J’aime beaucoup les Dresden Files. Chaque année, j’attends avec impatience la sortie du nouveau volume pour me replonger dans les aventures de Harry, le voir accumuler ennuis sur problèmes et brandir son bâton de mage en hurlant son tonitruant « Fuego ! », son incantation favorite. Évidemment, ça n’est pas de la grande littérature, mais ça fait passer un très bon moment. Le style est très fluide, et le fait que l’histoire soit racontée à la première personne donne au récit un coté plus intime et permet de s’attacher d’autant plus facilement au personnage. Encore un mage appelé Harry, me direz vous ? Oui, mais l’auteur avait conçu son personnage dans une nouvelle qu’il a écrite bien avant la parution des romans de Rowling. Je regrette néanmoins que la structure des romans a une légère tendance à se répéter. L’intrigue est différente à chaque fois, mais le déroulement de l’action se termine invariablement en un climax apocalyptique qui donnerait des cauchemars à tout réalisateur qui voudrait adapter les romans en film. Je souhaite encore longue vie à cette série d’Urban Fantasy et j’espère que les prochains volumes me feront encore passer d’aussi agréables moments.

Au cas où la langue anglaise ne vous gène pas, voici un lien pour lire les premières pages du premier volume :

Chapitre 1 de "Storm Front"

mercredi 8 juin 2011

Labyrinth

A tout seigneur tout honneur. Pour débuter cette énumération de mes plaisirs favoris, je vais vous parler d’un film auquel je voue un culte coupable. Ce n’est pas mon film préféré, mais ça n’en est pas loin.

Un peu de nostalgie, tout d’abord. Nous sommes en 1986. J’atteins avec peine les 13 ans, et je me retrouve dans une petite salle de cinéma de St Etienne où, malgré mon jeune âge, j’avais déjà mes habitudes. Et là, sur le grand écran, je découvre un film dont j’avais vu la bande-annonce à la télévision, et qui me promettait des aventures merveilleuses dans un univers fantastique. Je découvrais « Labyrinth » de Jim Henson.



J’ai toujours aimé les films pour enfants. Même maintenant, devenu adulte, je les regarde toujours avec un plaisir coupable mais délicieux. Au fil du temps, j’ai appris à les classer en deux catégories principales : les films qui s’adressent strictement aux enfants, et ceux qui peuvent également être compris à d’autres niveaux et peuvent attendrir le cœur des adultes. Labyrinth fait définitivement partie de cette deuxième catégorie. Le scénario est pourtant des plus simple : Sarah, une jeune adolescente de 15 ans, doit garder contre son gré son petit frère, fils de son père et de sa belle-mère. Ayant souhaité dans un coup de colère que le roi des gobelins viennent lui retirer l’enfant, quelle n’est pas sa surprise quand celui-ci apparaît soudain pour exaucer son souhait. Prise de remords, Sarah aura 13 heures pour parvenir au centre du Labyrinthe et reprendre son petit frère, avant que Jared, le roi des gobelins, ne le transforme en créature répugnante. Elle devra donc traverser ce dédale polymorphe, farci de pièges saugrenus et rencontrera sur son chemin des compagnons de route en la personne de Hoggle, un nain peureux, vénal et lâche, Ludo, une grosse créature à fourrure, et Sire Didimus, un petit être mi-canin mi gentleman. 

On ne peut plus simple, n’est ce pas ? Et pourtant, il y a dans ce film beaucoup, beaucoup plus de choses qu’il n’y parait. Il faut tout d’abord savoir que ce film est le tout dernier que réalisera Jim Henson avant de disparaître en 1990, laissant un vide immense derrière lui. Pour ceux qui sont encore trop jeunes ou ceux qui auraient été séquestrés dans une pièce sans fenêtres quand ils étaient petits, Jim Henson est le plus grand spécialiste des marionnettes que le cinéma et la télévision n’aient jamais vues. Il est le créateur, entre autre, des Muppets, des personnages de Sesame Street, de Fraggle Rock, et également du fabuleux Dark Crystal. C’est pourquoi, dans Labyrinth, point d’effets spéciaux à grand renfort d’explosifs, de scènes modifiées à l’ordinateur ou des personnages dessinés par-dessus la pellicule : uniquement des marionnettes, des décors en carton pâte et le talent de Jim Henson à la caméra. C’est ce dernier point qui, du point de vue purement graphique, est le plus remarquable. Les trouvailles visuelles pullulent tout au long du film et un simple changement d’angle de caméra peut transformer le décor, embrouillant à la fois l’héroïne et le spectateur. Pêle-mèle, je citerais le puits des mains secourables, aux parois tapissées de mains qui se combinent pour former des visages et parler, le jonglage avec les boules de cristal de Jared, qui n’est tributaire d’aucun effet spécial, ou les trois pierres qui révèlent sous un certain angle le visage sculpté du roi des gobelins. Et que dire des marionnettes elle-même, plus expressives encore que dans le meilleur des films d’animations. De même, toute l’ambiguité du film se retrouve dans les petits détails que Jim Henson sème au fil des aventures de Sarah. Ainsi, la plupart des éléments rencontrés par notre héroïne se retrouvent dans la chambre de Sarah : les peluches, la boite à musique, le labyrinthe, et, si l’on est plus qu’observateur, David Bowie lui-même qui apparaît au coté de la mère de Sarah sur une photo de presse accrochée à son miroir.
Quant à l’histoire elle-même, un adulte attentif pourra s’apercevoir de beaucoup de choses. Outre les métaphores évidentes du film sur le sortir de l’enfance et l’importance de l’imagination, on notera quelques passages subtils sur les jugements faciles, l’attachement au passé et les risques de l’isolement. Et ce que j’apprécie beaucoup, c’est que tout ce contenu n’est pas amené sur un ton moralisateur ou donneur de leçons. Cela reste simple sans être ostentatoire. J’ai beaucoup apprécié également l’héroïne, qui, contrairement au poncif des ces films, n’est ni dotée de qualités plus grandes que la moyenne des gens, ni totalement niaise. C’est juste une rêveuse, confrontée à ses propres rêves. 

Si l’on excepte les parents de Sarah que l’on ne doit pas voir plus de 12 secondes , il n’y a que trois personnages « humains » dans le film. Le premier est Toby, le bébé. Mignon sans plus, ça reste un bébé, pas de quoi s’extasier. On trouve ensuite Jared, le roi des gobelins, campé par l’androgyne David Bowie. Ah, là ! Quel bon choix. Une rumeur circule selon laquelle c’est Sting qui avait d’abord été préssenti pour le role, mais qu’il n’avait pu accepter car il travaillait sur le « Dune » de David Lynch. Bien lui en a pris ! David Bowie est plus que parfait dans ce rôle, jouant de sa dualité naturelle pour exprimer le coté retord du roi des gobelins en même temps que son attirance étrange pour Sarah. Plusieurs chansons émaillent le film, toutes chantées par Bowie lui-même, du générique de début à celui de la fin. Et enfin, nous avons Sarah, interprétée par Jennifer Connelly, alors âgée de 14 ans. Aujourd’hui encore, j’ai du mal à croire qu’elle était aussi jeune. Dans la scène du bal, elle parait beaucoup plus mure et reste gravée dans ma mémoire comme la plus belle femme que j’ai jamais vu (ce qui peut facilement être expliqué par le fait que j’ai découvert ce film dans la période où les hormones se réveillent, mais je préfère y voir la trace de mon indicible romantisme). En tout cas, pour une fille si jeune, elle nous offre une performance plus qu’honorable. Jennifer Connelly ne m’a jamais fasciné par son jeu d’actrice, mais elle reste tout de même quelqu’un que j’aime beaucoup retrouver dans les (trop) rares films où elle apparaît. Un élan de nostalgie face à Labyrinth, je présume. 

Voilà ! Je m’aperçois que j’ai beaucoup encensé ce film, sans pouvoir y voir de défaut qui pourrait troubler l’image idyllique qu’il m’inspire. D’aucun diront que Labyrinth est un film qui a mal vieilli, aux accents vieillots et surannés, et moi je leur répondrais alors qu’ils ont certainement perdus cette petite étincelle de magie qui les faisait voir dans un banal carton le plus majestueux des châteaux forts. Labyrinth est un film doux, calme, sans action effrénée ou bagarre explosive. On y voit une jeune fille habillée qui passe du jean à la robe de princesse, des monstres comiques, un paladin monté sur un chien, et pas des épées magiques, des courses de voitures ou des méchants sinistres. Labyrinth est un film qui m’a fait rêver sans m’exciter, m’a fait sourire sans méchanceté et même si la vision que j’en ai est certainement déformée par les sentiments qui m’y attache, ça ne m’empêche pas de penser que c’est un sacré bon film. Je tire encore une fois mon chapeau à Jim Henson.

Bon : je vous mets à la suite une bande annonce, mais hélas, faite en 1986 elle ne reflète pas vraiment la qualité du film (on peut même y entendre des bruitages rajoutés absolument atroce comme le woooosh de l'arrivée de Jared ou le klang du miroir qui se brise. Je vous promets que ces bruitages ne sont pas dans le vrai film).